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"OS GESTOS MAGICOS"

ANTÓNIO GUERREIRO

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LES GESTES MAGIQUES

Raymonde Carasco, une des « Figures de Danse au Cinéma »

TEXTE de ANTÓNIO GUERREIRO

Raymonde Carasco est professeur de philosophie et cinéaste. Entre 1977 et 2003 elle réalisa près d'une dizaine de films qui ont pour objet un peuple d'indiens du Mexique, les Tarahumaras : leurs danses, leurs rites, leurs mythes, leurs paysages. C'est ainsi qu'à l'occasion de la rétrospective de ses films à la Cinémathèque Française de Paris Raymonde Carasco fut présentée comme "maître du poème ethnographique".


Ce ne fut pas la première fois que les indiens Tarahumaras reçurent la visite d'"étrangers" et se retrouvèrent objets de représentation. Antonin Artaud aussi fit son voyage "initiatique" au pays des Tarahumaras, d'où résultèrent une série de textes, écrits entre 1936 et 1948, peu avant sa mort. Raymonde Carasco se confronte explicitement avec les textes d'Artaud dans un film de 1979, Tutuguri, projeté jeudi dernier. « Tutuguri » est le nom d'un rituel, dans lequel Artaud alla chercher le titre de deux poèmes (ou deux versions du même poème), écrits en 1947 et 1948. Dans un entretien, Carasco explique : « Ma rencontre avec les Tarahumaras est passée, d'abord, par les textes d'Artaud. Cependant, j'ai filmé le rite du Tutuguri sans penser au poème d'Artaud que j'avais lu il y a quelques années. Je l'ai seulement redécouvert après avoir réalisé le montage. Ce fut alors que j'ajoutai la lecture de ces fragments de textes. Au début il y avait des silences et le chant du sorcier qui surgissait six fois, comme la danse, filmée en temps réel. »



La dernière aventure cinématographique de Raymonde Carasco au « Pays des Tarahumaras » est une saga, divisée en cinq parties, ayant pour titre La Fêlure du Temps (2003), tournée en trois périodes, entre 1999 et 2001. Au centre du film on rencontre le dernier chaman Tarahumara, dialoguant avec la réalisatrice, selon différents scénarios, sur l'histoire et les traditions de son peuple, sur les invasions des Apaches qui lui furent racontées par son père, sur son enfance, sur son initiation et sur sa relation à la mort. Le dialogue se poursuit entrecoupé d'images de danses et de rituels Tarahumaras. Raymonde Carasco a rencontré en ce chaman une figure qui perpétue des gestes et des représentations fantomatiques en voie de disparition, qui rassemblent la mémoire culturelle et sociale de son peuple.

La réalisatrice explique : « Au pays du Ciguri ... le chaman continue à être un personnage très noble, il ne doit pas pratiquer la sorcellerie. Tenu à rester "pur", il serait perdu si on apprenait un jour qu'il a utilisé son pouvoir à de mauvaises fins. Son rôle est celui d'un médiateur qui entre en relation avec les forces qui régissent le Cosmos. Les maladies, les cataclysmes, la fin du monde, les éclipses ou la comète de Halley font partie des problèmes qu'il doit résoudre. »


Comme on le voit, ce qui rend ce film pertinent pour être montré dans le cycle sur « Les Figures de la Danse au Cinéma » n'est pas tant ce qu'il nous révèle sur la « pensée primitive », pas plus que sa dimension de « poème ethnographique», pour si intéressant qu'il soit de ce point de vue. En la circonstance, le plus intéressant est qu'il montre la façon dont se produit et se perpétue la mémoire des gestes et des représentations du corps, appartenant à un autre ordre que celui de l'esthétique.

 

 

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